La restauration de l’église
Tout au long du XIX » siècle, furent engagés divers travaux d’aménagement ou de restauration de bâtiments dans certains bourgs du canton de Villamblard. Ces travaux ont été réalisés majoritairement à partir de la seconde moitié du siècle. Ils concernaient principalement la restauration voire la reconstruction partielle des églises, plus rarement la construction de presbytères (qui, plus tard pourront être affectés au bâtiment communal) ou le déplacement de l’ancien cimetière paroissial.
Les communes d’Issac, de Bourgnac, d’Église-Neuve-d’Issac et de Villamblard ont plus particulièrement procédé à toute une série de travaux en la matière.
Les aménagements des églises des bourgs ont-ils été inspirés par la foi militante de l’évêque de Périgueux d’alors, Mgr Dabert? Celui-ci, en fonctions de 1863 à 1901, a défendu son domaine, comme une citadelle assiégée, contre la République
anticléricale qui se faisait à ses yeux de plus en plus menaçante. Sous son impulsion, et avec des appuis locaux déterminants, l’un des exemples en est la reconstruction de l’église de Clermont-de-Beauregard. Comme le rapporte Mélanie Laporte, dans son étude sur « Les édifices religieux du canton de Villamblard », ll ne reste plus grand chose de l’antique édifice, reconstruit à la fin du XIX siècle grâce aux dons de la famille du Cheyron du Pavillon, dans un style à la fois néo-roman et néo-gothique. Ne subsistent que quelques éléments de l’ancienne église romane, à l’authenticité pleine de charme, et presque entièrement
détruite. Le bâtiment, inversé par rapport à son orientation primitive, d’une rigoureuse et froide symétrie, est orné de sculptures pastichées. En 1873, «La Semaine Religieuse de Périgueux» soulignait que Mgr Dabert venait de consacrer l’église, magnifiquement restaurée, de Clermont-de-Beauregard, qualifiée à l’époque par le curé de Bourgnac, de gracieux monument d’ architecture chrétienne.
Le délabrement de l’église d’Issac
À ta fin du XIXe siècle, !’état de l’église nécessitait d’importantes interventions, qui avaient été précédées dès 1879 par des réparations dont le maire de l’époque soulignait la bonne confection. Compte tenu de l’urgence du projet le conseil municipal, en mars 1898, s’inquiétait de la perspective d’une église à rebâtir dans son entier. Il ajoutait que déjà le toit de l’abside s’était affaissé sur plusieurs mètres de superficie, et avait détaché par son poids des pierres de la voûte; les lézardes du clocher
devenaient de plus en plus menaçantes au point qu’i létait envisagé d’interdire l’accès de cette partie de l’édifice. La charpente de la nef n’était guère en meilleur état, laissant pénétrer l’eau et pourrissant la voûte en bois, qui semblait désormais irréparable.
À l’appui du Projet de restauration et d’agrandissement de l’église paroissiale, établi en 1897, une note rédigée par les architectes, MM. Lagrange père et fils précisait: L’église d’Issac a été construite vers le milieu du XIIe siècle, mais elle a été en grande partie détruite pendant les guerres de religion. De l’édifice primitif, il ne reste plus que l’abside et la base du clocher. La nef, construite au commencement du siècle dernier, est à peine éclairée et mal aérée Les voûtes ont été remplacées par un lambrissage établi sur cintre en bois qui tombe de vétusté. Le projet, s’appuyant sur une ancienne étude de 1889, supposait de profondes modifications: refaire le mur de façade qui est mauvais, remonter les murs de la nef, remplacer les voûtes en bois par des voûtes en briques avec nervures et arcs doubleaux en pierre, construire deux chapelles, et surtout reconstruire le clocher et refaire la sacristie qui s’écroule.
Afin de conserver à l’édifice son aspect primitif, le plein cintre a été exclusivement adopté. Malgré l’ampleur du projet et l’état désastreux du bâtiment, les architectes se sont attachés à respecter le bâti ancien à la différence d’autres interventions qui, comme déjà souligné pour Clermont-de-Beauregard, ont abouti à la destruction quasi totale de l’église romane, certes en fort mauvais état! mais désormais méconnaissable. On n’était pas à l’abri de mauvaises surprises. La Direction des cultes du ministère de l’Intérieur rapportait que, … en cours d’exécution [des travaux], on s’est aperçu que le pilier gauche de l’arc supportant le clocher était vide et occupé par un vieil escalier complètement en ruine. L’emplacement choisi pour l’escalier projeté n’est pas très heureux. Il conviendrait d’examiner s’il ne serait pas possible et plus économique de se servir du réduit près le W.C. pour y loger l’escalier d’accès, la largeur de cet escalier pouvant être réduite sans inconvénient. Et donc une étude est réclamée, à l’appui de la nouvelle demande de secours demandée, mais les textes des archives sont muets sur la suite réservée à cette possibilité…
Le financement des travaux
En 1897,le coût total de la restauration, sur base des plary devis, cahier des charges fournis par M. Lagrange, architecte départemental, était estimé à 42 000 fr. Le conseil de fabrique de l’église paroissiale en finance plus du tiers, 15 115 fr. (36%). Cette somme provient de ses ressources propres (13 000 fr), et du revenu d,une petite maison que le conseil possède au bourg (2115 fr.). Afin de compléter le financement il est envisagé une souscription (locale) à hauteur de 6 885 fr., et demandé au Conseil municipal de venir à son secours par un impôt communal, pour couvrir l’emprunt du solde nécessaire (22000 fr.). Le 22 avril 1887, le Conseil municipal approuve les plans et devis et complète le financement considérant que la Fabrique et les souscripteurs font un apport généreux de 22000 fr., la commune s’impose pour la somme de 6000 fr. à emprunter auprès de la caisse nationale des retraites pour la vieillesse, en espérant que l’Etat voudra bien venir à son secours [pour le complément]. Les principaux souscripteurs sont M. de Montferrand (49%), au château de Montréal M. de Labarre (29%), et M. de Lasserve (7%).
Le sous préfet de Bergerac, à la demande de la Direction générale des cultes, voulait savoir l’origine des fonds propres de la fabrique, déposés au Trésor, sous forme d’un titre de rente sur l’État s’élevant à 9137 fr. Les membres du bureau répondaient avec simplicité que c’était le produit des économies de plus de trente années, pendant lesquelles on n’a entretenu l’intérieur de l’église […] que dans la mesure strictement nécessaire, avec l’intention toujours manifestée de faire de sérieuse réparations lorsqu’on aurait amassé un petit capital. Quant aux 2175 fr. qui manqueraient encore dans le financement nécessaire de son apport,la fabrique s’est engagée à à atteindre cette somme à l’aide de ses revenus. Le président du conseil de fabrique, M. de Lasserve, s’est toutefois engagé à faire l’avance de tout ou partie cette somme, au cas où tous les fonds n’auraient pu être recueillis. Le 10 mars 1899, en complément, est accordé un secours (subvention) de 8000 fr. par La Direction générale des Cultes
En 1898, par décret du président de la République, alors Félix Faure, est autorisé le plan de financement de l’opération. La commune d’Issac emprunte 6 000 fr remboursable en vingt-cinq ans, soit avec appel à la concurrence, soit de gré à gré, mais à un taux d’intérêt n’excédant pas 3%, soit directement auprès de la Caisse des Dépôts et Consignations. De son côté, le trésorier de la fabrique vend un titre de rente et emprunte du sieur Lasserre, sans intérêts, une somme de 2115 fr., remboursable en trois annuités. Le décret présidentiel précise qu’il sera justifié de cet emploi au préfet.
La réalisation des travaux
Le projet de restauration de 1898 est accompagné d’un plan, élévation et coupe de l’église, dans son état avant les travaux envisagés.
Ces travaux importants concernent des terrassements et des démolitions, la reconstruction des chapelles existantes, et la surélévation du clocher d’époque romane, massif et peu élevé. L’aspect de l’église s’en est trouvé fortement modifié. S’y ajoutent le percement de quatre fenêtres dans les vieilles maçonneries de la nef, la démolition de la charpente, et la réfection de la couverture en ardoises d’Angers, déjà précédée par l’abandon antérieur au projet des anciennes tuiles canal. Le porche d’entrée aux quatre piliers de bois disparaît. Il fallut refaire le mur de façade qui était en mauvais état, remonter les murs de la nef à leur hauteur première, remplacer les voûtes en bois par une construction en briques avec nervures et arcs doubleaux en pierre, agrandir les baies de la nef et celle de l’abside, construire deux chapelles pour agrandir la nef, refaire la sacristie qui s’écroulait, et enfin, remplacer en entier le carrelage par un dallage en ciment. La coupole, surmontée du clocher, à moitié démolie en 1897, fut restaurée peu après.
De l’ancienne église ne subsistent de nos jours que l’abside et l’avant-cœur, le reste de la construction ayant été fortement retouché. Le plein cintre a été adopté afin de conserver à l’édifice son aspect ancien. Selon l’étude précitée de Mélanie Laporte, il est intéressant de noter les chapiteaux sculptés des colonnes de l’abside. Les tailloirs, indépendants des corbeilles tanrtôt frustes, tantôt sculptées, comprennent des rinceaux de feuillages et de torsades. De l’ancienne église subsiste aussi une petite chapelle en gothique flamboyant, nommée chapelle de Montréal. Bâtie vers le XVe siècle, elle dut vraisemblablement avoir un rôle défensif durant les guerres de religion comme en témoignent ses deux archères en forme de croix, à l’aspect guerrier.
Comme le souligne l’étude, l’édifice, qui se trouvait dans un fort mauvais état dès la fin du XVIIe siècle, fut en partie reconstruit au XVIIIe, à la fin du XIXe, et au début du XXe siècle, mais il a su conserver un aspect ancien et un certain charme.
Marc Paoletti
Sources bibliographiques
Arch. Dép. 24, 12 0 236 Commune d’Issac.
Mélanie Laporte, Les édifices religieux du canton de Villamblard, Université Michel de Montaigne,
Bordeaux III, 2002-2003.
Catherine Paoletti, « Issac, l’ancien et le nouveau presbytère, état des lieux en l’an IV »., bulletin Taillefer n° 45
Guy Penaud, Histoire des diocèses du Périgord et des évêques de Périgueux et de Sarlat, Éditions Impressions,
24130 Saint-Pierre d’Eyraud, août 2010.
La Semaine Religieuse de Périgueux, n°19,1873, p.378.